Alfa Romeo GT 2000 Veloce (1973)

Un jeudi midi… Après avoir franchi le pont qui relie les deux Normandie, nous faisons route à travers les petites routes de campagne sinueuses des paysages vallonnés du bord de Seine. Arrivés à destination, notre modèle du jour nous attend déjà à l’ombre du feuillage paré de ses couleurs d’automne.

Une histoire tumultueuse

Alfa Romeo ne nait pas dans une petite remise au fond d’une cour perdue en plein cœur de l’Italie comme on pourrait s’y attendre mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, de ce côté-ci des Alpes !

Créée en 1897 à Suresnes par Alexandre Darracq et Raoul Perpère, la société des automobiles Perpère-Darracq S.A. s’impose rapidement comme le troisième constructeur français derrière Renault et Peugeot. En 1906, face à une volonté de conquérir le marché italien dominé par Fiat tout en contournant les taxes douanières sur les véhicules importés, est créée à Naples la Società Italiana Automobili Darracq (Société Italienne des Automobiles Darracq) afin d’assembler les véhicules de la marque livrés en pièces détachées. Fin 1906, afin de pallier aux nombreux problèmes d’approvisionnement depuis la France, l’usine napolitaine est transférée dans la banlieue de Milan.

Le premier véhicule sort des chaînes de production en septembre 1908. A peine plus d’un an plus tard, faisant face à de grandes difficultés financières suite à de mauvais choix stratégiques et une volonté politique de soutien des marques nationales, la filiale italienne est déclarée en faillite. Malgré tout, en 1910, plusieurs entrepreneurs milanais épaulés par le directeur général de la Società Italiana Automobili Darracq s’uniront pour racheter l’entreprise portés par la perspective d’une évolution positive du marché automobile. Ainsi naît la A.L.F.A. S.p.A. (Anonima Lombarda Fabbrica Automobili S.p.A.).

En parallèle, un ingénieur électrotechnicien lombard du nom de Nicola Romeo fonde en 1911 la Società in accomandita semplice Ing. Nicola Romeo e Co. (société en commandite simple Ingénieur Nicola Romeo & Co) ayant pour activité la fabrication de machines destinées aux activités d’extraction de minerais.

En 1915, la société A.L.F.A. S.p.A. est revendue à Nicola Romeo qui orienta l’outil de production vers le développement de machines de guerre. A la fin de la première guerre mondiale, l’entreprise est rebaptisée Società Anonima Ing. Nicola Romeo & Co. suite à l’absorption de plusieurs structures à travers le pays. La Torpedo 20-30 HP ES sera le premier véhicule à porter le nom Alfa-Romeo et sortira des chaînes de production de l’usine de Portello en 1920.

Après de très nombreux hauts et bas, passant de succès commerciaux à échecs cuisants et ayant remporté les titres les plus prestigieux en compétition avec des pilotes tels que Ascari, Chiron, Ferrari ou des ingénieurs comme Abarth, l’entreprise sera rachetée par le groupe Fiat S.p.A. en 1986 (devenu Fiat-Chrysler en 2014).

Le coupé Bertone

Présentée au public au salon de Francfort en 1964, la Giulia « Sprint » GT est née du coup de crayon d’un jeune designer de 21 ans débarqué de chez Fiat et portant le nom de Giorgetto Giugiaro (DeLorean DMC12 (voir article), Renault 19, Fiat Panda, Audi 80, Lotus Esprit…) officiant chez Carrozzeria Bertone. Basée sur la plateforme de la berline Giulia raccourcie de 16 cm, la version 1600 sera le premier modèle à sortir de la toute nouvelle usine Alfa Romeo d’Arese située au Nord-Ouest de Milan.

Motorisée par le célèbre quatre cylindres Twin Cam « Bialbero » à huit soupapes apparu sous le capot de la Giulietta en 1954 (1290 cm³, 80 ch DIN), il sera porté à 1570 cm³ (103 ch DIN) pour la GT. Ce moteur tout aluminium (chemises humides en fonte) refroidi par eau à double arbre à cames en tête et distribution par chaînes de type Duplex est alimenté par deux carburateurs Weber. Il subira de nombreuses évolutions de cylindrée et passera à l’injection. Implanté dans de nombreux modèles de la marque jusqu’en 1997 (Alfa Romeo 155) il sera remplacé par le moteur Twin Spark.

Au fil du temps, la gamme Giulia GT va s’étoffer avec l’arrivée en 1965 de la version la version économique 1300 GT Junior en 1966. Le 1600 cède ici sa place à un 1290 cm³ de 89 ch DIN. Moins bien équipée et moins puissante que son aînée, elle rendait la gamme Giulia GT plus accessible et visait une clientèle plus jeune. Cette même année apparaît la Giulia GT Veloce “GTV”. Version plus haut de gamme de la 1600 GT “normale” bénéficiant d’un léger gain de puissance de 3 ch DIN et d’un niveau de finition revu à la hausse, elle remplacera cette dernière au catalogue.

Présentée au salon de Bruxelles en 1968, la 1750 GT Veloce vient remplacer la 1600 GT Veloce. Outre un habitacle revu, la calandre se voit dotée de projecteurs doubles optiques. Le bloc 1570 cm³ est remplacé par un 1779 cm³ de 118 ch DIN. Le nom Giulia disparaît.

En juin 1971, la 1750 GT Veloce cède sa place à la 2000 GT Veloce. L’intérieur ainsi que l’extérieur reçoivent quelques améliorations esthétiques et ergonomiques. Le pont devient autobloquant, améliorant ainsi nettement le comportement et un moteur 1962 cm³ de 132 ch DIN prend place sous le capot.

La 1600 GT Junior vient compléter la gamme en 1972. Identique à la 1300 GT Junior, elle reçoit le 1570 cm³ de 110 ch DIN.

En parallèle, quelques versions plus exclusives sont également proposées. À l’instar de la  sportive 1600 GTA (“A” pour “Alleggerita”). Outre un équipement réduit à sa plus simple expression et carrosserie en aluminium (745 kg vs 950 kg), le bloc 1600 voit sa puissance grimper à 115 ch DIN. Elle fût principalement utilisée comme base de véhicules de compétition et produite à 124 exemplaires. Tout comme sa petite sœur, la 1300 GTA Junior, en 1968. Développée pour répondre à la demande suite à la création d’une nouvelle catégorie de véhicules de compétition de moins de 1300 cm³. Avec ses 96 ch DIN et son poids plume de 760 kg, elle parviendra à s’imposer sans peine. La 1600 GTC, cabriolet quatre places carrossé par Touring et produit à peine 1000 exemplaires, en 1964. Ou bien encore la 1600 GTA SA (“SA” pour “Sovralimentata”), 780 kg et 220 ch SAE obtenus par la greffe de deux compresseurs, en 1967…

À la tête d’Ital Design depuis 1968, Giorgetto Giugiaro présente sa remplaçante en 1974 : l’Alfetta GT. Certains modèles seront encore produits jusqu’en 1977. 212325 exemplaires, toutes versions confondues, ont été fabriqués entre 1964 et 1977.

Dimensions & Performances

  • Longueur : 4080 mm
  • Largeur : 1580 mm
  • Hauteur : 1310 mm
  • Empattement : 2350 mm
  • Garde au sol : 140 mm
  • Poids à vide : 950 kg
  • Rapport poids / puissance : 7,5 kg/ch
  • Vitesse maximale : 193 km/h
  • 0 à 100 km/h / 400 m D.A. / 1000 m D.A. : 9,6 s / 16,6 s / 30,5 s

Châssis & Trains roulants

  • Type : Monocoque
  • Suspension avant : Roues indépendantes, triangles superposés, barre stabilisatrice, ressorts hélicoïdaux
  • Suspension arrière : Essieu rigide, bras de réaction longitudinaux et barre transversale, barre anti-roulis, ressorts hélicoïdaux
  • Freins av. / arr. : Disques (Ø av. : 272 mm, ventilés / Ø arr. : 277 mm, pleins), assistés
  • Pneus av. / arr. : 165-80R14 84H
  • Réservoir d’essence : 46 litres

Moteur & Transmission

  • Type / Position : 4 cylindres en ligne, 4 temps, refroidi par eau / Longitudinal avant
  • Distribution : Double arbre à cames en tête, chaîne, 2 soupapes par cylindre
  • Cylindrée (alésage x course) : 1962 cm3 (84 x 88,5 mm)
  • Puissance / Couple : 133 ch à 5 500 tr/min (11 cv) / 18,5 mkg à 3 000 tr/min
  • Rapport volumétrique de compression : 9,0 : 1
  • Alimentation : 2 carburateurs double corps Solex C40 DDH-5 (ou Dell’Orto DHLA 40)
  • Embrayage : Monodisque à sec 
  • Boite de vitesse : Manuelle, 5 rapports
  • Transmission : Aux roues arrière, pont autobloquant (25 %)
La 2000 GT Veloce de Philippe

Pour Philippe, au-delà de la passion, il ne s’agit pas simplement d’une 2000 GT Veloce mais de sa 2000 GT Veloce. Un véritable coup de foudre qui lui tombe dessus un jour de 1976 lorsque son regard se pose sur le trait du galbe sensuel de la carrosserie de cette beauté italienne appartenant à un membre de la famille.

Rongeant son frein, il patientera jusqu’en 1984 où l’occasion de l’acquérir s’offre à lui contre la modique somme de 500 F ! Car oui, non seulement ce type de véhicule des années 70 est rangé aux oubliettes depuis l’avènement récent des Golf et autres 205 GTI très à la mode car meilleures en tous points. Mais également, fidèle à sa réputation, la corrosion inéluctable se répand telle une gangrène. Pour Philippe, cela importe peu. Épaulé par quelques amis et avec des moyens limités, il s’attèle à la tâche. Dans l’aventure, la couleur « Giallo Ocra » d’origine cédera sa place a un blanc.

Les années passent, la famille, le travail… et certaines réparations cèdent aux outrages du temps contraignant Philippe à mettre la 2000 GT Veloce au repos forcé. La famille, le travail et l’envie… Les années passent… À l’insu de son mari, la femme de Philippe entreprend d’extirper l’Alfa de son sommeil après 18 ans à dépérir dans un garage et la confie aux mains expertes de Bruno, carrossier de métier. Voilà le cadeau parfait à offrir à l’occasion des 50 ans de son chéri qui se profilent à l’horizon. Révision générale, sellerie, découpe des éléments de carrosserie malades… tout y passe et cette fois-ci le blanc s’efface au profit d’un rouge d’origine Renault.

Le grand jour est arrivé. Devant un parterre d’amis et de membres de la famille rassemblés face à un hôte à mille lieux d’imaginer ce qui se trame dans son dos depuis des mois, la belle italienne rutilante fait son apparition au bout du chemin qui mène à la maison. La surprise est totale et l’émotion de ces retrouvailles tellement forte que notre ami Philippe ne peut contenir ses larmes ! Veni, vidi, vici !

Et maintenant ? Notre jeune retraité, après avoir passé son temps en tant que passager à enseigner aux autres à conduire, souhaite dorénavant occuper le siège conducteur autant que possible. Avant ça, sa GT va de nouveau bénéficier d’une cure de jouvence cet hiver et retrouver une teinte Rosso Alfa Romeo.

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